En cette après-midi, les lafoulytrailers inscrits pour la CCC, à savoir Frédéric, Michel, François, familles, accompagnants et moi nous nous retrouvons à la gare d’Orsières. Renée et son ami Laurent sont également avec nous ! Finalement nous sommes onze à nous diriger vers Courmayeur. Le trajet me paraît long et la chaleur est accablante ! A Courmayeur, la remise des dossards se fera tranquillement. Pas de grosse affluence et une bonne occasion de s’arrêter vers les stands de ventes ! Après avoir déposé nos affaires à l’hôtel, nous flânons paisiblement dans les ruelles italiennes à l’affût d’un bon restaurant ! C’était sans compter l’expérience de Frédéric, Michel et François qui se dirigent d’un pas assuré vers un sympathique endroit, tout en ayant repéré au passage un glacier bien tentant ! Après un souper chaleureux, la plupart d’entre-nous suivent les conseils psycho-diététiques de Frédéric ; DECONTRACTION !!
L’ambiance à Courmayeur semble étrange… Je ne ressens pas encore cette ville en attente du départ du lendemain. Après une tisane et quelques fous-rires nerveux, je monte préparer mon sac et me reposer.
Vendredi 27.08. Départ de la CCC
Courmayeur ; 5h30 du matin. Un message de l’organisation de l’UTMB me réveille en sursaut : « Attention météo prévue pluie vent froid. Prévoyez le matériel nécessaire ». Un coup d’œil à la fenêtre confirme ces propos… Aïe, temps bouché, routes humides ! J’ajoute à mon sac un bon pull et une veste gore-tex. Durant le déjeuner, Laurent nous parle de son idée de filmer la CCC de l’intérieur et me confie une petite caméra avec les instructions nécessaires. L’un après l’autre, nous livrons à la caméra nos impressions avant - départ.
Dehors, les rues, presque désertes à 08h00, se remplissent tout à coup. Les cars arrivent, déposant un flot de coureurs. Tout s’anime ! La musique retentit et les speakers donnent de la voix ! 09h00, nous sommes derrière la porte de départ et regardons fébrilement notre montre dont les minutes filent avec une lenteur déconcertante. 09h50, les hymnes de nos trois pays retentissent et l’émouvante musique de la CCC s’enchaîne. La tête entre mes bâtons, les yeux fermés et les joues humides, je pense à tous les évènements et les personnes qui m’ont permis d’être là, enfin, au départ. Une année de rêve, six mois de préparation, des blessures, des doutes, du repos et une motivation grandissante au fil des semaines.
Un coup de tonnerre au loin, quelques dernières infos et le compte à rebours commence… J’allume la caméra et enclenche la montre. « 5,4,3,2,1 CCC » Cri unanime de tous les coureurs ! La banderole tombe et la foule se détend au son des cloches. Je m’élance à travers Courmayeur, apaisée et joyeuse ! Les premiers kilomètres de la course étirent le peloton et font un détour par Planpincieux pour nous emmener vers le refuge de Bertone, à 1989m. Partie lentement, je remets la caméra à l’une des bénévoles de ce point de contrôle et attaque le premier pic ; la Tête de la Tronche, le point culminant de l’épreuve, à 2584m. Embouteillage à la montée ! Je dépasse quelques coureurs dès que le terrain me le permet.
Quoique détrempée, la descente est belle et je découvre ce tronçon de course avec grand plaisir ! A côté de moi, quelques trailers font partager leurs talents de patineur en essayant tant bien que mal de rester debout ! A Bonatti, je profite de l’eau fraîche de la fontaine et, sans m’attarder davantage, je repars sur Arnuva en alternant course et marche rapide. La pluie s’est alors calmée et quelques rayons de soleil réchauffent corps et âme.
Arnuva ; 27e kilomètre. Je m’arrête un bon quart d’heure pour soigner les quelques ampoules écloses et en profite pour téléphoner à mes accompagnants afin qu’ils prennent plus de pansements et compeed que prévu. La forme est là. Mon regard se porte au loin, vers le sommet du Grand-Col Ferret. J’imagine déjà le Val Ferret Suisse. D’un pas énergique et avec un feu intérieur, je grimpe les 800 m et bascule avec joie de l’autre côté de la frontière ! Quelques mètres plus bas, Laurent m’attend, entre deux marmottes, pour une brève interview-minute. Je passe ensuite par la Peule où la famille Coppey m’encourage très chaleureusement ! Un joli sentier mène enfin à la Fouly. Sur la route de Ferret, quelle surprise de retrouver Manu, ma coéquipière de la Patrouille des Glaciers, qui a décidé de courir quelques minutes à mes côtés !
La Fouly ; 41e kilomètre. Il est 16h15. Je rejoins ma mère et plusieurs amis. Sous leurs yeux écarquillés, j’enlève mes baskets et découvre les dégâts. Orteils par orteils, j’enroule le tout dans des pansements et laisse avec plaisir mes chaussettes trempées. Quelques minutes plus tard je repars allègrement en direction de Champex avec la motivation et les encouragements des bénévoles de la Fouly. Renouer avec le bitume est difficile, même si la cette route est plus courte. Petite consolation, je passe fièrement devant le chalet « les gentianes »! Le rythme est soutenu et la forme bonne durant la montée à Champex sur un joli chemin bordé de champignons de toutes espèces !
Champex ; 55e kilomètre. Quatre orages plus tard et déjà un peu plus de la moitié de la course faite. Le temps semble s’être emballé. Je retrouve avec joie Carine, qui super attentive, est aux petits soins. Mes jambes commencent à être lourdes, mais un bon massage les remet à neuf ! Réchauffée, réconfortée et avec de nouveaux habits, je reprends la route pour une nouvelle ascension me menant à Bovine. Le terrain est raide et glissant. La luminosité « entre chien et loup » font paraître le chemin lugubre. Le torrent est gonflé et il est impossible de le traverser à sec. Néanmoins, je suis heureuse de faire cette portion avant la nuit. Une fois Bovine passée, j’allume ma lampe frontale. Des nappes de brouillard nous encerclent, diffusant la lumière et rendant la visibilité difficile… La pente s’accentue et les chutes des trailers augmentent. Au détour d’un virage, quelques bourrasques de vent font voler ma casquette. Je cours toujours prudemment. Malgré cela, j’aurai droit aussi à une belle étalée sur les cailloux, heureusement sans trop de dommage !
Trient, 71e kilomètre. Des trombes d’eau tombent maintenant. Carine, qui a décidé de m’accompagner, m’attend avec un linge et m’encourage ! Je me change entièrement ! Au dehors, un orage éclate. J’attends la fin de l’ondée avant de repartir pour Catogne. Etrangement, j’ai peu de souvenir de cette traversée comme si j’étais « hors du temps ». Je peux seulement dire qu’elle s’est déroulée très régulièrement. Les sensations étaient bonnes et j’ai eu l’impression de survoler ces quelques kilomètres me menant à Vallorcine.
Vallorcine ; 81e kilomètre et dernier grand point de ravitaillement. Un feu de joie crépite devant la tente. Avec beaucoup d’émotion, je retrouve à nouveau Carine. Des bruits courent quant à la neutralisation de l’UTBM et de la CCC sur Vallorcine. Au vu des conditions extérieures, je me prépare à affronter bien pire que ce que j’ai pu rencontrer jusque-là. Hors de question d’abandonner pour autant ! Je me sens bien, j’ai bien pu m’alimenter tout au long du parcours. L’au-revoir à Carine sera difficile. J’ai une énorme reconnaissance pour sa gentillesse.
Le premier tracé me mène au Col des Montets, d’où commence la terrible et dernière ascension jusqu’à Tête au Vent (2135 m.) qui porte bien son nom, surtout en cette nuit. Sensation étrange et irréelle que d’observer cette longue procession de coureurs, ce ruban lumineux dessinant le chemin dans la nuit et parfois, coupé par un rideau de brume. Durant cette montée, je donne le rythme, suivie par quatre autres courageux coureurs. Le chemin est alors devenu un ruisseau et de la boue s’effondre sous nos pieds. Nous atteignons néanmoins le sommet et traversons alors un terrain très marécageux, avec de l’eau jusqu’à mi-mollet. Les conditions deviennent encore plus ardues… Le vent s’est levé et la pluie redouble d’intensité. En ces moments, je me dis qu’il faut être fou pour être dans la montagne, en pleine nuit, avec ces conditions exécrables… Arrivée à un pierrier, peu avant la Tête au Vent, le brouillard s’installe, effaçant les repères. Durant quelques centaines de mètres, nous avançons très prudemment, balise par balise. Enfin, la pente s’adoucit pour plonger en direction de la Flégère. Les torrents sont gonflés et des filets d’eau passent par-dessus le pont de bois. J’avance rapidement, la peur au ventre devant les dangers qui menacent de toute part.
Enfin la Flégère ! En y arrivant, là je me suis dit que la course est réussie. Je m’y suis arrêtée, juste le temps de boire deux bonnes soupes offert par une incroyable équipe de bénévoles avant de repartir. La descente est difficile et mon pied commence à vraiment faire mal. Mais j’avance, de plus en plus impatiente au fur et à mesure que l’air s’adoucit, que le chemin s’élargit et que les lumières de Chamonix deviennent de plus en plus vives.
Chamonix ; 98e kilomètre, l’arrivée !! Des filets d’eau se fracassent maintenant sur le bitume et rebondissent avec force. Plus que quelques centaines de mètres sous les encouragements de quelques braves spectateurs. Tout à coup, j’entends Corinne et Laurent. Dans la dernière ligne droite, la course se déroule à toute vitesse, par flash dans ma tête. J’ai les joues trempées et le cœur qui déborde d’émotions. Mais j’y suis arrivé. C’est fait !
Plus de 18h00 sous une pluie continue, 98 kilomètres et 5600m. de chemins boueux et ruisselants, de torrents gonflés, plus de quatre paires de chaussettes, trois T-shirts, shorts et vestes, deux paires de baskets et bâtons, trempés. Seulement, dans le cœur une chaleur incroyable ! Merci à toutes les personnes qui m’ont permis d’avoir les meilleures conditions pour pouvoir y arriver. Aux Lafoulytrailers, à Laurent H. et Corinne pour leur présence à Chamonix, à ma mère et mes amis à la Fouly et à Champex, à Carine qui a été extraordinaire durant cette course. Chamonix, c’était des larmes de joie et de reconnaissance pour vous !
La vidéo de la CCC 2010!