vendredi 18 septembre 2009

Un UTMB au delà du réel

Chamonix place du triangle de l’amitié 18h28, comme les 2300 autres trailers j’ai les yeux fermés à penser à tout ce qui m’attend, à ces 166km de bonheur en montagne, à tous les entraînements et les souffrances pour en arriver là.
J’aspire à boucler mon 2ème utmb en améliorant un peu mon temps de 2008 (35h), enfin si les jambes et l’estomac tiennent bien…
18h30, je m’élance autour de la 300ème place, les rues de Chamonix sont bondées, un petit coucou à la famille et c’est parti !
Le rythme est assez rapide, je passe devant le mur de grimpe des Gailland ou beaucoup de spectateurs sont encore présent.
Je garde mon rythme en direction des Houches, je dépasse quelques personnes tout en marchant les quelques montées raides jalonnant le parcours. Je croise notamment Michel Poletti et Werner Schweizer.

J’arrive donc au km 8 au Houches en 45min environ ou je ne profite pas du ravitaillement afin de garder un bon rythme pour la montée sur la Charme.
Je prends appui sur mes bâtons et je garde un très bon rythme dans la montée en alternant marche dans les montées raides et courses sur les parties moins pentues. Je rejoins à ce moment Karine Herry qui court et plus tard Maud Giraud en traversant la Kandhar (la piste CDM de ski des Houches). Plus haut, je passe l’américaine Kristin Moehl qui est déjà impressionnante ! (elle me dépassera tout bientôt).
J’arrive au pointage de la Charme en bon état , que de changement par rapport à l’année dernière ou le pointage était bondé de trailers. J’aperçois le dôme du Miage à travers la couche de brouillard, c’est vraiment grandiose.
La nuit arrive peu avant l’arrivée bruyante sur St-Gervais, je patiente avant de mettre la frontale. Je suis heureux car j’ai bien assurée la descente et mon temps est de 2h11, mais suis-je parti trop vite ?

Ma maman et ma tante me ravitaille, j’en profite pour remplir le camelback et me voila embarqué pour un bon bout dans la nuit au val Monjoie. La partie St-Gervais - Notre dame de la Gorge ne m’attire pas trop car il est nécessaire de bien courir et relancer pour que cette partie passe plus vite… Après le hameau des hoches, j’ai un petit coup de fatigue et je ne veux pas trop relancer.. Maud Giraud me prend le bras et m’encourage, je me force alors à relancer. Sous les contamines, je reconnais une démarche connu, c’est le grand Marco Olmo. Je me demande si je ne suis pas parti trop vite tout de même…
Bref il faut continuer, une soupe et c’est parti pour notre dame en alternant course et marche rapide.

Sur le chemin romain pour rejoindre la Balme et à Nant Borrant, c’est la fête, les spectateurs m’encouragent et crient mon nom, il faut calmer le jeu…
Je n’aperçois pas la Balme, le brouillard doit traîner ! Je rejoins en position 60 l’alpage (j’y croyais pas), je fais un arrêt rapide et je repars pour les Chapieux.
Une fois l’altitude de 2000m atteinte, c’est un brouillard épais qui est présent. C’est dur, j’y vois rien…
Je rejoins d’autres trailers pour se regrouper et faciliter l’ascension. Enfin, je sors du brouillard et je suis accueilli au col du Bonhomme par les gendarmes. Je les salue et continue de suite vers le refuge du Bonhomme. C’est le début de la solitude, le brouillard est dense, je n’y vois rien. Je cherche balises après balises, c’est long… Je ne me perds pas, et j’atteint les Chapieux après une bonne descente en assurant le coup, histoire de pas basculer dans un torrent à cause de la brume.

Les Chapieux, km 50, une 1ère étape de faite, il reste 116km !!! Au menu : soupe + coca, je croise un bénévole que j’avais vu à la reconnaissance début août, il me dit quelques mot, c’est sympa.
Me voila parer pour atteindre l’Italie et le col de la Seigne. Je déteste les 4km de goudron jusqu’à la Ville des Glaciers, je baisse la tête et je marche à bon rythme. J’aperçois déjà les frontales dans le col de la Seigne. La montée est terriblement dur, je dois chercher les balises chaque 5 mètres et j’ai le sentiment de ne pas avancer. Je suis seul, je pense à 10000 choses, il ne faut pas dormir et surtout trouver le chemin !
Je suis à 2500m, une grosse lampe, c’est le col de la Seigne !!! Youpi j’arrive en Italie. Je plonge sur le lac Combal d’où je repars en accompagnant Karine Herry. En la suivant, j’arrive à bien courir le long du lac.
Je remarque les tentes éclairées à l’arrête Mont-Favre, tout là-haut, je garde un bon rythme et j’arrive au sommet de l’arrête. Le paysage de nuit est moins attrayant que l’année dernière vers 7h du matin. Tant pis, je me laisse aller jusqu’à Courmayeur où un nouveau chemin en forêt assez raide est utilisé après le col Chécrouit.


Courmayeur km 78 : 05h30
J’arrive à la base vie, les ruelles de Dolonne sont comme mortes mais le plat de pâtes me réconforte bien. Je fais une course au-delà de toute mes espérances, je me sens bien mais je ne veux pas flamber car il reste 90km.
Je me change en enfilant un short et un t’shirt. 20 minutes de pause et c’est reparti direction Bertone.
Je monte encore bien et je passe provisoirement Michel Cercueil dans les rues de Villair. Je vois un traileur avant Bertone, je le questionne : c’est Pascal Giguet qui va faire une petite sieste. Je croise aussi Alain Premat en sens inverse, il a arrêté mais il m’encourage, ça motive !
S’ensuit le long, trop plat mais tellement beau val Ferret Italien, je suis accompagné par Christophe Le Saux avec lequel on discute trail sans cesse. Armina, Bonatti, Arnuva avec Christophe ça passe bien plus vite.
Me voilà au pied du point culminant du parcours, le gd col ferret. Je le connais par cœur, je veux me donner au maximum car j’arrive sur mes terres, chez moi à la Fouly !
L’arrivée au grand col Ferret se fait dans un gros vent et je suis accueilli par le bénévole qu’on voit dans le DVD chaque année.
Le brouillard est très dense, je ne reconnais même pas la descente sur la Fouly !

11h à l’approche de la Fouly, je vois ma famille au bas de la descente, il m’encourage à coup de cris et de cloches, l’émotion est grande…
Je suis alors en avance de 5h par rapport à l’année dernière
Les cuisses sont dures après cette descente, le val Ferret Suisse va être long.
Depuis la Fouly, je me force à tenir le rythme de Jens Lukas et Topher Gaylord. Les relances deviennent difficile voir impossible et j’attend patiemment la montée sur Champex.
Champex km 111, le 2ème grand arrêt pour moi, pâtes et coca et j’attaque le long du lac. Les encouragements de la famille sont vital, leur soutien est important !

Bovine approche, je pense que la montée va bien se passer car je l’ai fait 2 semaines auparavant. Dans la montée, je ressens un gros coup de fatigue, je n’avance plus, et je vois pointé Topher Gaylord. J’arrive péniblement à Bovine, j’ai sommeil, je dois dormir…

Je discute avec le boss de North Face (je comprend pas l’américain moi !?) et nous faisons chemin ensemble. Je plonge sur Trient en croisant ma famille au col de Forclaz. Je leur raconte ma montée tout en buvant une soupe. Je peine à m’hydraté, l’eau ne passe plus vraiment et je crains les crampes dans la montée des Tseppes. Je pars avec un bon rythme sous les encouragements des bénévoles et de la famille. Il me reste deux montées et deux descentes, le bonheur approche… Je suis entrain d’oser penser l’imaginable, une arrivée en moins de 30h !

Je descend avec Topher sur Vallorcine, la nouvelle descente est ludique sauf les remontées dans la foret.
Topher repart comme un fou de Vallorcine, je ne peux le suivre. Je me contente de garder un bon pas avant l’ascension finale sur la Tête au Vent. Je compte 2 minutes d’avance sur Jens Lukas au col des Montets. Je pense à ce moment là que je ne peux reprendre de place, je grimpe jusqu’à 1800m lorsque j’aperçois les premiers bouquetins, c’est magnifique, j’en croise des centaines sur le chemin menant au sommet. Le Mont-Blanc me boude mais l’aiguille Verte et les Drus valent le coup d’œil. C’est beau, un sentiment indescriptible s’emparent de moi, j’ai l’impression d’être seul sur cette Tête au Vent, seul dans la montagne à quelques pas de Chamonix !
Je ne traîne pas car j’ai ma famille qui m’attend et je veux poursuivre de jour jusqu’à la Flégère. A la Flégère, je mets la frontale et je prend une soupe histoire d’arriver en bon état. La descente se passe bien et je ne veux pas prendre de risque inutile. La floria, ah il me reste 2,5 ou 3 km je crois, il faut crocher.
Le goudron, je le déteste mais celui-ci me signale que j’arrive dans Chamonix, allez plus qu’un km ! Je longe l’Arve et je vois mon frère et toute la famille qui m’encouragent à gros coup de cloches. Je termine avec eux les 200 derniers mètres. Je suis heureux et rempli d’émotion, j’ai refait le TOUR du MONT BLANC d’une traite !
Magnifique, on m’indique que je suis 27ème en 27h06. Je suis stupéfait, je savais que j’avais une bonne forme au vu des trails de préparation, mais de là à terminer l’UTMB en moins de 30h. C’est le rêve !
Je suis heureux, on me félicite et j’embrasse ma famille !
Le retour à la Fouly est plus délicat car j’ai quelques maux d’estomac et les jambes en béton !
Qu’importe, je l’ai refait mon UTMB.

Merci à toute ma famille pour tous les encouragements à coup de cloches et de cris. Merci à mon frère pour tous les moments d’émotion que se sport me fait vivre et me fera vivre.
Super bénévoles, et merci à Toni, Antoinette, Michel, Isabelle, Patricia, François, Geneviève pour les encouragements.